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Alexandre DUVAL-STALLA
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21 septembre 2010

Ce que nous devons à Claude Monet

Alors que s’ouvre la plus grande rétrospective depuis 30 ans consacrée au chef de file des Impressionnistes, Claude Monet, sans doute est-il nécessaire de rappeler qu’il n’est pas simplement un peintre de nymphéas et de paysages bucoliques, mais un exceptionnel caractère de bruits et de fureurs qui a réalisé une triple révolution esthétique, artistique et culturelle.

 

Contre les pesanteurs d’un conservatisme esthétique exigeant des scènes antiques et historiques où chaque modèle avait les traits les plus parfaits et les plus soignés, Claude Monet a lutté. Imposant ses coups de peinture comme autant de soufflets envoyés à ses détracteurs, prenant la nature et la vie comme modèle et, faisant de ses impressions et de ses sensations, la mesure de sa peinture, Monet et ses amis ont réalisé une nouvelle Renaissance, française celle-là ; comme le soulignait à juste titre Apollinaire : « La France a produit au XIX° siècle les mouvements artistiques les plus variés et les plus nouveaux, qui, tous ensemble, constituent l’impressionnisme. Cette tendance est le contrepoint de l’ancienne peinture italienne basée sur

la perspective. Si

ce mouvement dont on peut déjà noter les origines au XVIII° siècle semble se limiter à la France, c’est parce qu’au XIX° siècle Paris était la capitale de l’art. […] Les plus grands noms de la peinture moderne, de Courbet à Cézanne, de Delacroix à Matisse, sont français. […] La France joue le rôle que l’Italie a joué pour la peinture ancienne[1]. »

 

Pour comprendre la révolution esthétique que fut l’Impressionnisme, il faut se rappeler que dans les années 1860, la peinture française s’était éteinte, comme Renoir en témoigne : « A part les Delacroix, les Ingres, les Courbet, les Corot qui avaient poussé miraculeusement après la Révolution, la peinture était tombée dans la pire banalité : tous se copiaient les uns les autres en se fichant de la nature comme d’une pomme[2]. » Avec leur esthétisme, Monet et ses amis ouvrent les voies infinies de la peinture moderne. C’est quand le sujet change que dans l’histoire de l’art se produisent les grandes ruptures esthétiques qui conduisent à de nouvelles écoles. De nouveau, le regard se porte sur le sujet, qu’avant le regard ne voyait plus.

 

En frondant contre le Salon, seul lieu permettant de se faire connaître et de vendre, en s’affranchissant des commandes de l’Etat et de ses honneurs, Monet a initié des nouvelles formes de circuit de vente avec les marchands d’arts et leurs galeries, avec notamment Paul Durand-Ruel. Avec cette ouverture sur la vie moderne et un accès à une nouvelle classe sociale qui voulait aussi partager cette aventure, Monet et les siens ont initié les formes modernes et actuelles du marché de l’art. Ouvrant à tous sa peinture, Monet l’a ainsi démocratisé.

 

Et Clemenceau, son vieil ami, de témoigner de ce que Monet fut un homme de combats, de convictions et de génie : « L’artiste a vécu un moment supérieur de l’art et, par la même, de la vie, mais c’est l’être humain que je cherche au-delà de l’artiste, l’homme qui, livré tout entier à ses impulsions les plus hautes, a osé regarder en face les problèmes de l’univers pour les aborder ensemble et les fondre dans le boc esthétique d’une sensibilité affirmée, sous l’impulsion d’une énergie de vouloir que rien n’a pu faire dévier, je prends le ciel à témoin qu’un tel accomplissement n’est pas de l’ordinaire. »


 

[1]  Cité in Augustin de Butler, Lumières sur les impressionnistes, L’échoppe, 2007, p. 11-12.

 

[2]  Cité in Augustin de Butler, Lumières sur les impressionnistes, L’échoppe, 2007, p. 9.

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