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Alexandre DUVAL-STALLA
Alexandre DUVAL-STALLA
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11 août 2010

Rouen se veut la capitale de l’impressionnisme

            

Le 7 juin, à Rouen, 1250 personnes rejoignaient la place de l’Hôtel-de-Ville, un bout de toile à la main. Il s’agissait pour elles de recomposer, dans le bon ordre si possible, un Monet de la série des «Cathédrales». Ces gens y sont apparemment parvenus sans peine. L’œuvre reconstituée mesurait 600 mètres carrés. Elle devenait «visible du ciel». Bref, on se serait cru à Pyongyang.

Cette initiative marquait le début de la saison «Normandie impressionniste», qui s’étire en ce moment de Giverny au Havre, et de juin à fin septembre. Cette dernière ne regroupe pas moins de 200 idées tous azimuts Cet été, il n’est pas question que de peinture, mais aussi de céramique, de musique, de photo ou de littérature. La cuisine ne devrait pas se voir épargnée. «Manger avec les impressionnistes» a quelque chose de porteur. Pour une exposition déjà lointaine dédiée au «maître d’Aix», le Grand Palais n’avait pas hésité à proposer des bols «aux couleurs de pommes».

Trois noms magiques

Au cœur de cette mosaïque, il fallait une exposition de prestige. Elle se situe à Rouen. Le Musée des beaux-arts y propose «Une ville pour l’impressionnisme» en alignant trois noms magiques. Celui, inévitable, de Monet se retrouve aux côtés de Pissarro et de Gauguin. Tous trois sont venus dans la ville, qui restait au XIXe siècle un grand port fluvial. Ils y ont fait école. Rouen entendait du même coup rendre hommage à ces artistes régionaux que restent Robert Antoine Pinchon, Léon Jules Lemaître ou Charles Frechon.

Un énorme battage médiatique ayant précédé l’ouverture (il faut dire que l’on avait invité énormément de journalistes, supposés reconnaissants), le Musée des beaux-arts a vu les choses en grand. Il y a quatre caisses devant le bâtiment. Des visites guidées se suivent allégrement (et se ressemblent sans doute). Il n’y a finalement que les lieux qui laissent à désirer. L’institution a dû utiliser les deux espaces du rez-de-chaussée, partagés pour une cour couverte, genre Louvre. Cela casse le rythme.

Turner en hors-d’œuvre

Et que voit au fait le visiteur? Eh bien, le parcours commence par les ancêtres. Cela tombe bien. Turner lui-même est venu à Rouen, tout comme Corot. Puis il passe aux premières visites de Monet en 1872. Gauguin, qui venait de renoncer à la banque, a débarqué, lui, en 1884. Monet est revenu en 1892 pour sa fameuse série des «Cathédrales de Rouen». Pissarro a opéré des allers et retours. Sa série des «Ponts de Rouen» est évidemment née du succès des «Cathédrales» à la galerie Durand-Ruel en 1895.

Gauguin reste encore en petite forme vers 1884. Pissarro demeure Pissarro, c’est-à-dire un artiste finalement mineur. Autant dire que Monet domine de très haut cet ensemble où le public feint poliment de s’intéresser aux peintres autochtones. Rouen est parvenu à réunir onze «Cathédrales» sur trente. La salle impressionne. Elle donne un avant-goût de ce que pourra devenir la grande rétrospective Monet au Grand Palais, qui commence le 22 septembre.

Un art devenu ancien

Reste une chose. L’impressionnisme se détache toujours davantage de l’art moderne. Il s’agit maintenant d’une peinture ancienne, traitée comme telle. Avec ses gros cadres dorés et ses petits formats, elle s’éloigne toujours plus du goût moderne. Sauf pour les «Nymphéas» de Monet, qui demeurent bien sûr précurseurs.

Du coup, qui vient surtout voir les impressionnistes? Des gens d’un certain âge. Certes, le Musée des beaux-arts de Rouen n’atteint pas le pic du récent «Renoir au XXe siècle» parisien. Le Grand Palais ressemblait alors au parrainage des cheveux blancs. Reste que cet art simple, sans prise de tête et sans grande recherche des sujets parle aujourd’hui moins aux jeunes. A la limite, ceux-ci leur préfèrent les immenses toiles jadis qualifiées de «pompier», qu’ils peuvent voir au Musée d’Orsay.

Un malentendu

Quand un des suppléments commandés par Rouen, comme celui du magazine «Beaux-Arts», parle de l’impressionnisme comme d’un «défi au goût bourgeois», il y a donc malentendu. Cette peinture de plein air pouvait certes sembler un défi à l’époque. Mais, dès 1910, quand les prix de Renoir ou de Degas se sont mis à enfler, elle a au contraire incarné le goût bourgeois. Aujourd’hui, elle favorise même les nostalgies d’un certain public rassis. L’impressionnisme, même si Maximilien Luce a peint les ouvriers et Degas de repasseuses, c’est devenu le bon vieux temps.

Où? Quand? Comment?

«Une ville pour l’impressionnisme», Musée des beaux-arts de Rouen, esplanade Marcel-Duchamp, tél. 00332 35 71 28 40, site www.unevillepourloimpressionnisme.fr Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 9h à 19h, le mercredi de 11h à 19h, nocturnes les jeudis et samedis jusqu’à 22h jusqu’au 26 septembre.

Source : http://www.tdg.ch/actu/culture/rouen-veut-capitale-impressionnisme-2010-08-10

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